Aller au contenu

« Le retard important dans le paiement des honoraires des interprètes judiciaires » et « Les factures d’interprètes et d’autres experts impayées »

Questions parlementaires orales jointes de :
– la députée Marijke Dillen à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur « Le retard important dans le paiement des honoraires des interprètes judiciaires » (55042307C)
– la députée Sophie De Wit à Paul Van Tigchelt (VPM Justice et Mer du Nord) sur « Les factures d’interprètes et d’autres experts impayées » (55042366C)
(La Chambre des Représentants de Belgique, Commission de la Justice du 17-04-2024)

Vous pouvez regarder la vidéo ici

04.01 Marijke Dillen (VB) : Monsieur le Ministre, incroyable mais vrai, selon des informations publiées par certains médias, les interprètes judiciaires limbourgeois n’ont toujours pas été payés cette année, alors que nous sommes déjà en avril. Au sein du bureau de taxation qui règle les paiements, c’est la soupe à la grimace depuis les récentes réformes. L’eau est aux lèvres de certains interprètes. Ils doivent encore recevoir jusqu’à 35 000 euros. Ce sont les chiffres qui étaient connus lorsque cette question a été soumise et qui ont augmenté entre-temps. Par conséquent, ils ont du mal à payer leurs propres factures. C’est une véritable honte, indigne de la Justice.

Début avril, ils ont enfin osé dénoncer cette situation. C’est dire leur patience. Les interprètes judiciaires du Limbourg et de Bruxelles néerlandophone ont envoyé un courriel, auquel ils ont reçu une réponse standard de vos services, dont il ressort que le bureau de taxation de Bruxelles néerlandophone a repris celui du Limbourg, alors qu’il doit fonctionner avec la moitié de son personnel, l’autre moitié étant absente pour raisons de santé. En outre, il doit également encore traiter les états de frais du Limbourg. Il y a un retard dans le traitement des factures, surtout pour respecter le délai de paiement de 30 jours. La hiérarchie est au courant du problème et du retard dans le traitement des factures et tente d’apporter une solution dans les plus brefs délais.

Monsieur le Ministre, je ne comprends pas comment cela peut prendre tant de temps. Après tout, il ne s’agit pas de milliers de factures. Cette situation est vraiment inacceptable. Il y a peut-être des problèmes au bureau de taxation de Bruxelles et il y a certainement une pénurie de personnel, mais ce n’est pas une raison pour laisser toutes ces personnes dans le froid. Pouvez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet ? Quelles initiatives urgentes avez-vous prises pour résoudre ce grave problème ? Quelle est la situation dans les autres arrondissements judiciaires ? Y a-t-il également un arriéré de paiements ? Le ministre peut-il fournir de plus amples explications à ce sujet ?

04.02 Sophie De Wit (N-VA) : Monsieur le Ministre, le paiement des factures par le ministère de la Justice reste difficile. La justice est confrontée, dans de nombreux domaines, à un problème de crédibilité et, ici aussi, les choses tournent mal. Il est regrettable que cela ne se produise qu’avec les experts avec lesquels la justice doit collaborer. Là aussi, la confiance est perdue.

En novembre 2023, le budget disponible pour 2023 était déjà épuisé et il a fallu chercher des fonds supplémentaires pour honorer les factures. J’ai posé une question écrite no 2494 à ce sujet et il en est ressorti que, rien que pour les interprètes, l’arriéré s’élevait à 260 000 euros pour 2023. En examinant ces chiffres et le budget, nous constatons que l’amélioration n’est pas pour tout de suite.

Le Service des Tutelles a déjà payé 1,3 million en 2023, sans compter les arriérés. Il y a donc encore des montants à payer. Vous avez vous-même indiqué que le nombre d’interprètes augmente chaque année en raison du nombre de mineurs étrangers non accompagnés. Le nombre de mineurs et le nombre de dossiers augmentent et les procédures sont complexes, mais nous constatons que seul 1,1 million a été prévu pour 2024, alors que l’on a encore 1,3 million de frais pour 2023. Le nombre de dossiers augmente et pourtant vous avez prévu moins d’argent pour 2024 que pour 2023.

Les bureaux de taxation font face à de graves dysfonctionnements. Le système est enrayé. Dans le Limbourg, les interprètes n’ont même pas été payés une seule fois en 2024. Il n’y a plus qu’un seul employé dans ce bureau au lieu de trois. Les factures doivent être envoyées pour vérification au bureau de taxation de Bruxelles, qui est également en sous-effectif. C’est une véritable soupe. Je n’ai pas d’autres mots. Vous et le gouvernement avez fait de la justice en tant que partenaire fiable et du paiement des factures dans les délais un point de rupture. Une solution est-elle en vue en ce qui concerne les bureaux de taxation ? Quand les dernières factures de 2023 seront-elles payées ? Quel est le montant en jeu, compte tenu de tous les types d’experts ? Quel budget reste-t-il pour 2024 pour payer les factures du Service des Tutelles ? Jusqu’à quand pouvez-vous payer les factures, car je crains qu’il n’y ait pas assez de budget ?

En réponse à ma question écrite pour savoir si les experts ont droit à des intérêts moratoires en cas de paiement tardif, vous avez répondu que ce n’est en aucun cas le cas sur la base de la loi sur les retards de paiement dans les transactions commerciales, car cela ne s’appliquerait qu’aux marchés publics, par exemple. Est-il donc vrai que, dans ce cas, le gouvernement peut se permettre de payer des factures avec des mois de retard sans devoir verser d’intérêts ou aucune compensation, ou craindre des suites ?

04.03 Ministre Paul Van Tigchelt : Madame la Présidente, en décembre, le SPF a reçu un grand nombre de factures, aussi bien de traducteurs et d’interprètes que de factures en décembre. Il s’agissait de factures de traducteurs et d’interprètes ainsi que de factures provenant, par exemple, d’hôpitaux effectuant des tests d’âge ou de dépenses introduites par des tuteurs.

Au niveau budgétaire, les mesures nécessaires ont été prises. Les fonds nécessaires ont été débloqués pour que le Service des Tutelles puisse reprendre ces paiements. La question soulevée ici concerne un nombre limité de factures en 2023, principalement de décembre 2023. Comme le budget pour 2023 avait été utilisé intégralement, ces factures ont dû être imputées sur l’année budgétaire 2024. Il s’agit d’une histoire purement budgétaire. Le Conseil des ministres a rapidement pris la décision nécessaire à cet effet. Le Service des Tutelles a déjà reçu 325 000 factures pour 2024, qui ont toutes été traitées. Le montant restant à payer pour 2023 pour les interprètes s’élève à 260 000 euros. Pour 2024, un budget de 1 105 000 euros a été dégagé, qui peut encore être ajusté en fonction des besoins.

Troisièmement, le budget annuel prévu couvre-t-il les besoins réels ? En 2023, le Service des Tutelles a payé 1 300 000 euros pour les interprètes. Comme le nombre de mineurs étrangers non accompagnés est de plus en plus important d’année en année et que les procédures se complexifient, les besoins en interprètes augmentent chaque année. Par conséquent, le budget dépensé augmente lui aussi régulièrement chaque année. L’imprévisibilité des dépenses est en effet l’une des raisons de ce déficit. Nous essayons de l’estimer à l’avance, mais il se peut qu’il soit sous-estimé.

Quatrièmement, les services des traducteurs et des interprètes payés par le Service des Tutelles ne sont-ils pas soumis à la réglementation des frais de justice ? Pour les interprètes, on applique les tarifs prévus dans le règlement sur les frais de justice en matière répressive. Le Service des Tutelles du SPF Justice applique ces règles. De nombreux interprètes qui travaillent pour le Service des Tutelles travaillent également pour les parquets et les tribunaux. Il s’agit souvent des mêmes personnes. Il est plus cohérent d’utiliser une seule structure tarifaire. Les interprètes sont informés des conditions de paiement et doivent les accepter pour figurer sur la liste des interprètes pouvant être convoqués. Sur le plan budgétaire, ces coûts ne sont pas à charge du budget des frais de justice, mais au budget du Service des Tutelles.

Une question a également été posée sur l’ordre de grandeur des intérêts de retard. Je suppose que pour les intérêts de retard, il est fait référence à la loi du 2 août 2002 relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Toutefois, cette loi ne s’applique pas à ces cas, car il ne s’agit pas de transactions commerciales ni de cas visés par la loi de décembre 1993 relative aux marchés publics ou aux marchés de travaux, de fournitures et de services. Toutefois, il s’agit de réquisitions d’interprètes. De plus, ici, le SPF Justice n’est pas un pouvoir adjudicateur au sens de la loi précitée et les services des interprètes n’entrent pas dans le champ d’application de la loi et ne peuvent donc pas être utilisés pour réclamer des intérêts de retard.

Dans le cadre de la numérisation de la justice, nous avons créé l’application JustInvoice. Grâce à la numérisation de la justice, les experts sont payés plus rapidement qu’auparavant. Je dirais donc qu’il ne faut pas tout mettre dans le même sac. En général, les experts sont payés plus rapidement qu’avant grâce à l’application JustInvoice, et c’est bien sûr ainsi que les choses doivent se passer.

04.04 Marijke Dillen (VB) : Monsieur le Ministre, je ne peux pas vous remercier pour cette réponse. Vous dites qu’ils sont payés plus rapidement avec JustInvoice, mais d’après les informations dont je dispose, les interprètes n’ont toujours pas été payés à ce jour. Je n’ai pas non plus reçu de réponse de votre part quant à la date à laquelle ces personnes peuvent enfin espérer être payées. Toutes les personnes présentes dans la salle ont des dépenses fixes à payer chaque mois. Si elles sont encore jeunes, elles ont souvent encore des prêts hypothécaires et d’autres dépenses. Elles ont aussi souvent des enfants pour lesquels elles ont de lourdes charges. Je regrette donc que vous ne puissiez pas dire aujourd’hui quand ces personnes seront payées au plus tard.

Par ailleurs, je n’arrive pas à suivre votre raisonnement sur les intérêts de retard. Si nous payons nos impôts en retard, nous recevons rapidement une lettre du SPF Finances avec une augmentation. Même dans le secteur privé – mais je ne vais pas faire de comparaison – les intérêts doivent être réclamés. Je me demande si, s’ils mettent officiellement les services en demeure, ils peuvent réclamer des intérêts à partir de ce moment-là, parce qu’il y a plus que suffisamment de jurisprudence à ce sujet.

Monsieur le Ministre, les interprètes sont un partenaire très important pour la justice. Ils ne sont déjà pas très bien payés et attendent souvent pendant des heures, pour lesquelles ils reçoivent une sorte d’indemnité d’attente. Ils sont également souvent confrontés à des retards, ce qui signifie qu’ils sont venus au tribunal pour rien. Cette situation est vraiment inacceptable. J’aurais aimé que vous me disiez aujourd’hui quand ces personnes seront payées.

Deuxièmement, je n’ai pas non plus reçu de réponse à ma question concernant la situation dans d’autres arrondissements judiciaires. En effet, les médias ont surtout parlé du Limbourg et, dans une moindre mesure, du tribunal et la cour néerlandophones de Bruxelles.

Enfin, je regrette que la porte-parole du SPF Justice ait minimisé le problème dans sa réaction suite à la médiatisation de cette affaire. Soyez l’une des personnes dupées qui, comme tout citoyen, doivent payer leurs factures chaque mois et joindre les deux bouts. Quand seront-ils payés et qu’en est-il des autres arrondissements ?

04.05 Sophie De Wit (N-VA) : Monsieur le Ministre, vous dites que vous faites le nécessaire, mais en attendant, ces personnes ne peuvent pas payer leurs factures. Le gouvernement est responsable du défaut de paiement et des arriérés. Des intérêts doivent donc être payés à titre de compensation. Au cours de la législature précédente, le gouvernement suédois a été le premier à apurer des factures impayées pour un montant de 175 millions d’euros. Cependant, alors que nous approchons de la fin de la législature actuelle, les arriérés ne cessent toutefois d’augmenter et les budgets dégagés sont inférieurs aux coûts totaux pour l’année précédente. Cette situation n’est pas tournée vers l’avenir et il n’est pas acceptable que l’État ne paie pas correctement et à temps les partenaires dont il dépend pour son travail. L’État doit en effet montrer l’exemple.

04.06 Ministre Paul Van Tigchelt : Mes collègues ont raison de dire que je n’ai pas répondu de manière exhaustive. Je vous prie de m’en excuser. Je voudrais corriger cela à ce stade.

Il y a en effet une référence à un article paru dans Het Belang van Limburg il y a quelques semaines. Le service des frais de justice m’a informé que, pour le Limbourg, 841 états de frais de traducteurs ou d’interprètes jurés ont été payés en 2024 pour un montant total de 353 472 euros. 76 % de ces états de frais ont été payés dans les 30 jours. C’est ce que je voulais dire à la fin de ma réponse précédente en parlant de paiement plus rapide via JustInvoice, car ces retards de paiement sont en effet inacceptables. Nous en avons fait une priorité en développant JustInvoice, entre autres choses. Cependant, je souligne que selon les chiffres du début de la législature, le délai de paiement moyen était de 50 jours. En 2023, il était de 19 jours. 90 % des états de frais avaient été payés à 30 jours.

Comme je l’ai mentionné dans un passage précédent de ma réponse, le budget consacré aux tuteurs est différent de celui des frais de justice. Il y a eu un retard temporaire dans le paiement de l’indemnité des tuteurs à la fin de l’année dernière. Le SPF Justice a pu reprendre ces paiements après quelques semaines. À l’exception de quelques cas, l’arriéré temporaire a depuis été résorbé. Nous avons déjà mentionné en commission que le budget du Service des Tutelles a été augmenté. Il s’élève à 7 027 000 euros en 2024, contre 5 963 000 euros en 2023. Cette augmentation du budget permettra également au Service des Tutelles de couvrir le coût des interprètes.

04.07 Marijke Dillen (VB) : Monsieur le Ministre, je déduis de votre réponse que les problèmes au Limbourg, à l’exception de quelques cas, aurait été réglé, ce qui ne ressort pas des informations dont je dispose.

Je n’ai pas reçu de réponse à ma question concernant la situation dans les autres arrondissements judiciaires. Je déposerai une question écrite à ce sujet.

L’incident est clos.

Copyright 2024 UPTIA
Design by Lake-IT