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Marché public du SPF Justice pour des traductions jurées - la suite

L'UPTIJ continue à faire pression pour que les missions de traduction jurée soient supprimées de ce marché public.

Notre infolettre sur le marché public pour des traductions jurées a été consultée avec beaucoup d’intérêt et partagée sur diverses plateformes, non sans provoquer une certaine agitation. Nous constatons que dans la situation actuelle, l’intérêt de la profession n’est pas favorisé, et continuons à faire pression pour que les missions de traduction jurée soient supprimées de ce marché public.

Tout d’abord, il convient de préciser que ce marché public n’est pas en lien avec le travail que nous effectuons déjà aujourd’hui pour les autorités judiciaires dans le cadre des frais de justice en matière pénale.

En quoi consiste donc cet appel d’offres ?

Il s’agit de documents qui doivent être traduits par un traducteur/une traductrice juré·e à la demande d’une autorité administrative (en l’occurrence, le SPF Justice). Auparavant, ces traductions étaient confiées à de grandes agences de traduction par le biais d’un marché public combiné. Aujourd’hui, cela n’est plus légalement possible, car tout individu, toute autorité administrative, etc. doit s’adresser directement à une personne inscrite au Registre national. En outre, seules les personnes physiques inscrites dans ce Registre sont autorisées à accepter et à effectuer ce travail. La loi exclut les intermédiaires ne figurant pas au Registre national.

Par le biais de contacts informels, nous avons régulièrement informé notre association sœur, la CBTI – qui, comme l’UPTIJ, est reconnue comme organisation professionnelle par le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME – de l’état de la situation. Le 3 décembre 2023, la CBTI a publié une lettre ouverte au ministre de la Justice. Nous saluons donc l’initiative et le soutien de notre association sœur.

Grâce à l’intervention de l’UPTIJ, le marché public a été reporté une première fois. Le 29 novembre 2023, les réponses à nos questions ont été publiées. Vous pouvez lire toutes les questions et réponses ci-dessous (ou télécharger le pdf en annexe de cet article). 

Quelle ne fut pas notre déception lorsque nous avons constaté que, bien que le SPF Justice reconnaisse la différence entre la traduction jurée et la traduction non jurée en tant que professions distinctes, aucune modification n’a été apportée au marché public, et le recours à des intermédiaires se poursuit.

Nous avons réitéré tous les arguments juridiques et écrit à toutes les parties prenantes pour qu’elles revoient ce marché public. Le 4 décembre 2023, nous avons également contacté le directeur général de l’Organisation judiciaire par téléphone pour évoquer les motifs qui font que ce marché public n’est pas conforme aux dispositions légales. Vraisemblablement, la gravité et l’urgence de la question n’ont pas été immédiatement perçues. En particulier, le fait de recourir à des intermédiaires.

Nous attendons une réponse du directeur général de l’Organisation judiciaire dans un avenir proche. Comme toujours, nous vous tiendrons au courant de l'évolution de ce dossier. 

Ensemble, défendons notre profession !

 

2022/COP/4153

Procédure ouverte pour la traduction écrite de documents de nature diverse  pour le compte du SPF Justice   

Session d’information du 07 novembre 2023

 

Des informations supplémentaires relatives aux traductions jurées ont été fournies durant la session d’information :

  • Par le biais de ce marché public, le pouvoir adjudicateur externalisera uniquement les demandes de traduction émanant de l’administration (voir point 5 des prescriptions techniques du cahier spécial des charges) et PAS les demandes de traduction émanant de l’Ordre judiciaire dans le cadre des frais de justice.
  • En 2023, 75% des traductions externalisées (470 dossiers environ) concernaient des traductions non jurées et 25% (150 dossiers environ) des traductions jurées.

Réponses aux questions de l'UPTIJ posées au préalable :

QUESTION VI

Cette procédure prévoit un marché public pour des travaux de traduction jurée ou non. Le pouvoir adjudicateur note à juste titre que les travaux de traduction jurée ne peuvent être effectués que par des traducteurs jurés.

L’article 555/6 du Code judiciaire est très clair à ce sujet : Sauf l'exception prévue à l'article 555/15, seules les personnes qui, sur décision du ministre de la Justice ou du fonctionnaire délégué par lui et ce, sur avis de la commission d'agrément, sont inscrites au registre national des experts judiciaires et des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés sont autorisées à porter le titre d'expert judiciaire et habilitées à accepter et accomplir des missions en tant qu'expert judiciaire ou à porter le titre de traducteur, interprète ou traducteur-interprète juré et habilitées à effectuer des travaux de traduction ou d'interprétation qui leur sont confiés en vertu de la loi.

L’article 555/8 du Code judiciaire précise en outre que seules les personnes physiques qui répondent à des conditions déterminées, mentionnées dans cet article, peuvent être inscrites au registre national des experts judiciaires et des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés. 

Cela signifie que seules des personnes physiques (et donc pas des bureaux de traduction, soit des personnes morales) sont autorisées à porter le titre et que seules les personnes physiques qui portent ce titre sont habilitées à accepter (!!) et accomplir des missions. Des bureaux de traduction ne peuvent donc pas accepter ces missions et, partant, ne peuvent pas non plus les (faire) accomplir.

Le pouvoir adjudicateur souhaite néanmoins confier ce travail à des bureaux de traduction. Ces derniers ne sont pas des personnes physiques et ne peuvent dès lors pas être jurés (voir l’article 555/8 du Code judiciaire susmentionné).

Pourquoi le pouvoir adjudicateur ne respecte-t-il pas la législation et pourquoi ne confie-t-il pas ces missions jurées directement aux traducteurs jurés qui sont enregistrés dans le registre national, registre qui est géré par le pouvoir adjudicateur lui-même ?

Réponse :

Le cahier spécial des charges prévoit que les traductions jurées seront prises en charge par des traducteurs jurés enregistrés dans le registre national. Il appartiendra à l’adjudicataire et aux traducteurs jurés de respecter la législation pertinente en la matière.

QUESTION VII

Le pouvoir adjudicateur impose une même rémunération, qu’il s’agisse d’une traduction ordinaire ou d’une traduction jurée. Toutefois, un traducteur juré doit répondre à des exigences plus strictes/onéreuses et satisfaire à une formation (continue) (voir la législation relative au registre national). Comment le pouvoir adjudicateur explique-t-il cette exigence ? Pourquoi le pouvoir adjudicateur n’impose-t-il pas les mêmes exigences en termes de qualification et de formation pour l’ensemble des traducteurs/traductions dans le cadre de ce marché ?

Une traduction jurée requiert davantage de travail/opérations/connaissances qu’une traduction ordinaire. La certification à proprement parler, la signature et la légalisation via la signature électronique qualifiée du traducteur juré impliquent également des opérations supplémentaires. De par cette exigence, le pouvoir adjudicateur n'exercera-t-il pas une pression illicite sur les tarifs des traductions jurées pratiqués sur le marché privé ? De par cette exigence, le pouvoir adjudicateur ne va-t-il pas entraîner une diminution du nombre et de la qualité des traducteurs jurés inscrits dans le registre national qu’il gère ? Le pouvoir adjudicateur ne va-t-il pas minorer les travaux de traduction jurée si ceux-ci doivent être payés autant, par exemple, qu’une simple brochure d'information ?

Réponse : Le point 10.1. des dispositions générales et le point 2.2. des prescriptions techniques ont fait l’objet d’un erratum. Tous les éléments pertinents ont été communiqués aux soumissionnaires potentiels pour leur permettre d’établir leur offre de prix en connaissance de cause (notamment, volumes, paires de langues, nombres de mots, pourcentage de traductions jurées et non jurées).

QUESTION VIII

Le pouvoir adjudicateur demande que les tarifs soient différenciés en fonction du taux de répétition, celui de 100 % n'étant pas rémunéré. Les traductions jurées doivent toutefois être réalisées par le traducteur juré en personne. En effet, les traductions jurées ne peuvent pas être sauvegardées en tant que telles

(RGPD). Cela n'est pas conforme au code de déontologie des traducteurs jurés tel qu’établi par le Roi. Comment ces mémoires sont-elles constituées et sauvegardées ? Comment un traducteur juré peut-il être contraint d'utiliser la même traduction (que ce soit pour des segments ou non) que celle réalisée par une autre personne ? Cela ne porte-t-il pas atteinte à son indépendance et son impartialité ?

De par cette exigence, le pouvoir adjudicateur ne va-t-il pas entraîner une diminution du nombre et de la qualité des traducteurs jurés inscrits dans le registre national qu’il gère ?

 

Réponse :

Le pouvoir adjudicateur estime en effet ne pas devoir payer pour les mots traduits lorsque les segments présentent une correspondance de 100 %, ni pour les répétitions. Ceci relève de la pratique courante. Les packages sont communiqués à titre informatif à l’adjudicataire.

Les traductions jurées ne seront communiquées qu’aux services demandeurs et ne seront intégrées dans aucune mémoire de traduction.

Il appartiendra à l’adjudicataire et aux traducteurs, jurés ou non, de respecter la législation pertinente en matière de RGPD.

QUESTION IX

Le pouvoir adjudicateur ne va pas simplement transmettre des documents personnels et originaux à un bureau de traduction (nous le répétons : un bureau de traduction ne peut pas être juré) pour y (faire) réaliser une traduction jurée avec valeur d’original. Le DPO du SPF Justice a déjà indiqué dans un avis qu'en vertu du RGPD, même les bureaux de taxation ne peuvent pas disposer ainsi de ces documents.

Pourquoi le pouvoir adjudicateur s'écarte-t-il de l'avis du DPO dans le cadre du présent marché ?

Réponse :

Le point 20 des dispositions générales du cahier spécial des charges règle les dispositions relatives au RGPD qui seront d’application dans le cadre de ce marché public.

QUESTION X

Le pouvoir adjudicateur souhaite également confier des travaux de traduction jurée en matière pénale. Peut-on obtenir des précisions quant à la nature de ces textes et aux raisons pour lesquelles ces traductions ne sont pas réalisées dans le cadre de la loi concernant les frais de justice en matière pénale ?

Réponse :

Le point 5 des prescriptions techniques du cahier spécial des charges précise ce qui suit : « Les traductions en matière pénale ont trait principalement à des dossiers répressifs, au transfèrement de personnes condamnées vers leur pays d'origine et à d'autres matières pénales. Les langues sources et les langues cibles sont variables, mais il s'agit régulièrement de langues de l'Europe de l'Est. ».

Le présent marché public ne porte pas sur des traductions auxquelles s’appliquent les règles en vigueur en matière de frais de justice en matière pénale.

QUESTION XI Le pouvoir adjudicateur envisage d’autres groupes linguistiques que ceux qui sont pris en considération dans le cadre de la loi concernant les frais de justice en matière pénale. Comment cette discrimination est-elle justifiée ?

Réponse :

La loi concernant les frais de justice en matière pénale n’est pas d’application à ce marché public.

QUESTION XII

Le pouvoir adjudicateur demande que chaque traduction soit systématiquement révisée. Comment concilier cela avec le code de déontologie du traducteur juré ? Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur ne précise pas si le réviseur doit être juré. À notre connaissance, cette spécialité ne figure pas dans le registre national, dès lors que le traducteur juré livre déjà un produit final qui a valeur d’original. Quelle autorité un réviseur ou un adjudicataire a-t-il sur le traducteur juré ?

Réponse :

Dans le cadre d’une traduction jurée, la révision est assurée par le traducteur juré lui-même avant livraison du produit fini.

QUESTION XIII

En ce qui concerne les relecteurs-experts, on ne sait pas exactement non plus s’ils sont jurés. À notre connaissance, cette spécialité ne figure pas dans le registre national. Serait-il possible d'avoir des précisions à ce sujet, dans le cadre des traductions jurées ? Serait-il également possible de préciser quelle autorité le relecteur-expert a sur le traducteur juré ?

Réponse :

La relecture des traductions par des relecteurs-experts (relecture-expertise) porte exclusivement sur des traductions non jurées. Il est question d’environ 5 demandes par an.

Le point 2.9 des prescriptions techniques du cahier spécial des charges précise ce qui suit : « Examiner un texte cible pour vérifier son adéquation avec l’objet convenu et avec les conventions inhérentes au domaine et pour recommander des mesures correctives. Cette relecture-expertise est réalisée par un relecteur-expert. Ce service de relecture interviendra sur simple demande. ».

Il convient d’établir une distinction entre la relecture-expertise et la révision. La révision consiste à examiner une traduction pour vérifier son adéquation avec l’objet convenu, comparer le texte source et le texte cible et recommander des mesures correctives. La révision est assurée par un réviseur. Chaque traduction doit systématiquement faire l’objet d’une révision en bonne et due forme.

QUESTION XIV

Le pouvoir adjudicateur prend en considération uniquement le prix comme critère d'attribution. À l’heure actuelle, les marchés publics sans critère de qualité sont rares, pour ne pas dire inexistants. N'existe-t-il pas de réglementation prévoyant que les marchés publics ne peuvent plus être attribués uniquement sur la base du meilleur prix ? Pourquoi le pouvoir adjudicateur n’a-t-il pas opté pour un ou plusieurs critères de qualité ?

À défaut de critères de qualité, le pouvoir adjudicateur ne va-t-il pas entraîner une diminution du nombre et de la qualité des traducteurs jurés inscrits dans le registre national qu’il gère ?

Réponse : La définition des différents critères d’attribution relève du pouvoir discrétionnaire de l’adjudicateur. Le cahier spécial des charges intègre plusieurs éléments pour garantir la qualité des traductions fournies.

QUESTION XV

Selon nous, les règles d'indexation ne sont pas conformes à la réglementation existante en matière de marchés publics.

Réponse :

La formule de révision des prix prévue au cahier spécial des charges est conforme à la réglementation relative aux marchés publics (notamment l'article 10 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics et l'article 38/7 de l'arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics). De fait, la clause de révision de prix est fonction de l'évolution des salaires horaires du personnel et des charges sociales.

QUESTION XVI

Selon nous, les délais de paiement ne sont pas conformes à la loi sur les retards de paiement. Dès lors que toute traduction est réputée réceptionnée à la livraison (point 14.4), le délai de paiement (y compris la période de vérification) est de maximum 30 jours.

Réponse :

Les dispositions du cahier spécial des charges sont bien conformes à la loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales et à l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d'exécution des marchés publics.

QUESTION XVII

Point 17.2 : l’adjudicataire et ses collaborateurs sont uniquement liés par un devoir de réserve. Les traducteurs jurés sont tenus par le secret professionnel (voir législation). Le but est-il vraiment que l’adjudicataire et ses collaborateurs doivent répondre à des exigences moins strictes que les traducteurs jurés eux-mêmes ?

Réponse :

Les traducteurs jurés sont tenus au secret professionnel, conformément au chapitre 3 de leur code de déontologie. L’adjudicataire et ses collaborateurs sont liés par un devoir de réserve, comme le prévoit le point 17.2. des dispositions générales du cahier spécial des charges.

QUESTION XVIII

Point 18. Quel est le rôle de la commission d’agrément concernant les traductions jurées faisant éventuellement l’objet de litiges ?

Réponse :

Cette commission n’a aucun rôle à jouer dans le cadre de ce marché public.

QUESTION XIX

Droits intellectuels : un traducteur juré ne peut céder à un bureau de traduction ses droits intellectuels ni le droit de les céder définitivement. Le traducteur juré reste à tout moment titulaire de ces droits. Le pouvoir adjudicateur peut-il le confirmer ?

Réponse :

Le point 19 des dispositions générales du cahier spécial des charges règle les dispositions relatives aux droits de propriété intellectuelle qui seront d’application dans le cadre de ce marché public.

QUESTION XX Les traductions jurées avec valeur d’original doivent souvent être munies d'une apostille pour pouvoir être utilisées à l'étranger. Comment le paiement de l'apostille même (montant à payer au SPF Intérieur) et l’indemnité du traducteur relative à ce service sont-ils réglés dans le cadre de ce marché public ?

Réponse :

Il y a eu un cas d’apostille en 4 ans. Le coût de la traduction jurée a été supporté par le pouvoir adjudicateur, celui de l’apostille par le citoyen.

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